"Le mâle est déjà fait"

Publié le par Thulip

Si vous avez trente ans et que votre homme vous a largué pour une fille de 20ans, c’est que vous êtes tendance, si l’on en croit le magazine Jalouse de juillet-août 2006 !

 

Si vous êtes dans ce cas, sachez que le marché des hommes sur le continent asiatique vous est ouvert ! En effet, du fait d’une pénurie de matière première, selon les estimations des démographes et selon l'excellent article paru dans Le Monde Diplomatique de juillet 2006 par Isabelle Attané, on estime que, à chaque année à partir de 2010, plus d’un million de Chinois resteront des candidats bredouilles au mariage, faute de femmes.  Selon Amartya Sen, économiste indien et prix Nobel d’économie en 1998, il manque « plus de cent millions de femmes aujourd’hui » dans le monde, essentiellement en Chine et en Inde.

 

Les raisons avancées :

-         Avortements sélectifs

-         Traitements inégaux des enfants (les filles ne sont pas soignées autant que les garçons)

-         Traitements inégaux des femmes adultes

Ce sont les trois raisons majeures de ce déficit, sachant que l’infanticide n’est pas le comportement le plus déterminant.

 

Il faut donc se rendre compte que le seul fait que les filles aient un statut social inférieur à celui des garçon suffise à engendrer une telle situation !

 

L’auteure de l’article ( Isabelle Attané) précise que deux facteurs habituellement opposés se conjuguent pour arriver à cette situation :

-         la société traditionnellement fondée sur des valeurs patricarcales, qui fait qu’il faut un fils « pour maintenir la famille, perpétuer son nom et en assurer la reproduction sociale et biologique ».

-         « le revers de la libéralisation économique et sociale, (pourtant l’argument en faveur de l’économie de marché souvent avancé est que c’est un progrès social. Personnellement, je n’y ai jamais cru, pour bien d’autres raisons, mais là on a une preuve fondée sur l’expérience de millions d’individus), qui fragilise un peu plus les femmes, auparavant déjà en position d’infériorité au niveau social et économique.

 

Nous pourrions imaginer que les femmes ayant reçu une bonne éducation parmi les classes supérieures réagiraient autrement. Il n’en est rien : « Le recours (en Inde) à la sélection prénatale touche plus massivement les classes les plus favorisées économiquement et les plus instruites… Les femmes les plus autonomes (économiquement) recourant plus souvent aux avortements sélectifs que les autres.

 

On estime qu’en 2030, il y aura 20% d’excédent d’homme par rapport aux femmes.

 

On pourrait penser que ce qui est rare est cher, que quand c’est cher on en prend soin et que donc les femmes seront à l’avenir mieux traitées ! Attention, ceci est un syllogisme. Dans les faits, les familles vont acheter des femmes dans les pays voisins, les marient de plus en plus jeunes (risques morbides en cas de grossesse trop précoce…). On pourrait penser que vu le prix qu’elles coûtent, on en prend soin. Que nenni : comme elles sont achetées, elles sont considérées comme des objets. C’est un peu comme une nouvelle voiture, au début elle est flambant neuve, on la chouchoute mais à l’usage elle n’est plus assez cotée à l’argus et comme c’est votre chose, vous avez le droit d’en faire ce que vous voulez….

 

Dans l’article il est fait mention d’un ouvrage d’Amin Maalouf (écrivain que j’apprécie tout particulièrement, je vous recommande sur un autre sujet l’édifiant ouvrage Les identités meurtrières), Le Premier Siècle après Béatrice : « Si demain les hommes et les femmes pouvaient, par un moyen simple, décider du sexe de leurs enfants, certains peuples ne choisiraient que des garçons. Ils cesseraient donc de se reproduite et, à terme, disparaîtraient. Aujourd’hui tare sociale, le culte du mâle deviendrait alors suicide collectif » (A. Maalouf).

 

Bien loin de moi l’idée de critiquer la culture d’un peuple en oubliant de balayer devant ma porte (chose plus que répandue, mais c’est autre sujet), au contraire, j’estime que nous sommes également une société fondée sur un modèle patriarcal et que l’économie de marché, la libéralisation, n’est pas du tout favorable aux femmes (qui font l’objet de davantage de discriminations au travail, mais également dans la sphère domestique). Par ailleurs, je vous rappelle les récents cris d’alarme sur le taux de mortalité des femmes battues en France, phénomènes dont tous les sociologues s’accordent pour dire qu’il est répandu dans toutes les classes sociales !

 

En fait, il nous suffit d’observer le reste du monde avec une lunette déformée pour voir nos propres travers. Mais la situation présente nous indique qu’en ce qui concerne les pays asiatiques, le « mâle est déjà fait ».

Bien loin de moi de critiquer les hommes sans balayer devant la porte des femmes : je ne souhaite pas accuser ces messieurs, car nous femmes, sommes souvent partie prenantes de ces pratiques (les excisions sont pratiquées par les femmes, avant même que l'autorité paternelle en aie fait la demande...). Quand une femme de ma famille ayant une autorité certaine me dit qu'il n'est pas bon pour une femme qui a des enfants de travailler, je suis désolée, mais c'est bien elle et non pas un homme qui me l'affirme. Nous sommes donc tous responsables, hommes, femmes, et ce quelque soit le continent.

Le continent asiatique nous en apporte la preuve, plus criante que jamais, démesurée, pour des raisons structurelles propres mais également pour d'autres, que nous connaissons un peu plus.

Bien loin de moi l'idée de me revendiquer comme étant féministe ou pas : j'apprécie simplement l'égalité des rapports sociaux, de principe mais surtout de fait. Et là y'a encore à dire et à faire.
Non?

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F
Un site très intéressant sur ce sujet très délicat et sur d'autres assez brûlants en Chine.http://www.meanomadis.com/content/show_Articles.asp?id=522
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